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La RSE est-elle obligatoire pour les TPE et PME ? [2024]

Lorsqu’il est question de RSE, cette interrogation revient sans cesse. Une réponse simple ne suffit pas à éclairer ceux qui envisagent sérieusement la RSE, en particulier les petites et moyennes entreprises en quête de conseils pour se lancer dans cette démarche à la fois complexe et porteuse de valeurs. Alors, la RSE est-elle obligatoire pour les TPE et PME en France en 2024 ?

Cet article vous guidera à travers les principales obligations légales françaises et européennes, et sur les obligations indirectes.

Distinction entre RSE et obligations légales

Dans l’imaginaire collectif, la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ou le développement durable ne sont pas perçus comme obligatoires, car ils ne sont pas appliqués systématiquement. Mais le fait que le RSE recouvre des thématiques telles que l’environnement ou la sécurité au travail sème la confusion, puisque ces thématiques font l’objet d’obligations réglementaires.

Il faut en effet veiller à bien distinguer ces obligations de la mise en place d’une démarche RSE, qui intervient au niveau stratégique de l’entreprise.

Une entreprise peut tout à fait être “dans les clous” sur les obligations légales liées à son activité, et ne pas avoir entrepris de démarche RSE.

Et à l’inverse, on voit régulièrement de grands groupes se faire épingler pour non-respect de normes environnementales ou sociales… Alors même qu’ils affichent une politique RSE flamboyante (du bon greenwashing comme on l’aime en sorte).

Si l’on reprend l’une des premières définitions du concept de RSE, dans la pyramide de Archie B. Carroll (1991), on constate que le socle légal fait partie du minima requis avant d’aller vers une démarche RSE complète, intégrant la responsabilité éthique et philanthropique.

La RSE est-elle obligatoire pour les TPE et PME ?

 

Cadre légal de la RSE

Les obligations liées aux démarches RSE sont issues de plusieurs textes réglementaires, chacun ayant des seuils d’application différents.

La RSE touchant à quasiment tous les sujets de l’entreprise, la liste ci-dessous élargit volontairement le spectre, et liste également les obligations intrinsèquement liées à la RSE, notamment sur les enjeux de transition écologique :

☑️ Loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) : Mise en œuvre en 2020, cette loi impose des obligations pour la gestion des déchets et l’économie circulaire. Elle vise à réduire le gaspillage et à promouvoir le recyclage, affectant ainsi les entreprises dans leurs pratiques de gestion des ressources. Elle s’applique à toutes les entreprises, mais avec des exigences accrues pour les grandes entreprises et certains secteurs spécifiques (producteurs, importateurs, distributeurs de produits).

☑️ Directive Européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD) : En vigueur à partir de 2024, cette directive impose à certaines entreprises de l’Union Européenne de publier des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux et sociaux. Elle remplace la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive) et étend son champ d’application. La CSRD concerne notamment les entreprises cochant 2 des 3 seuils suivants : plus de 250 employés, chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros, total de bilan de plus de 20 millions d’euros. D’autres seuils existent et le calendrier d’application varie selon chaque entreprise. De nombreuses PME font ainsi leur entrée dans le champ d’application de cette obligation RSE. Les entreprises concernées doivent désormais publier des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), par le biais d’un rapport de durabilité annuel, au même titre que le rapport de gestion annuel. Une méthodologie spécifique est attendue : l’analyse de double matérialité. Lost in Transition peut vous accompagner dans la mise en conformité CSRD.

☑️ Loi sur le Devoir de Vigilance : Depuis 2017, les grandes entreprises françaises doivent prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux dans leurs chaînes d’approvisionnement. Cette obligation concerne les entreprises de plus de 5 000 employés en France ou de plus de 10 000 employés dans le monde.

☑️ Devoir de Vigilance européen (Corporate Sustainability Due Diligence Directive ou CSDDD): une législation du même type est en préparation au niveau de l’Union Européenne. Il concerne les grandes entreprises européennes de plus de 1000 salariés, réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 450 millions d’euros, ou les entreprises hors UE réalisant un chiffre d’affaires dans l’UE de plus de 450 millions d’euros devront se conformer à ce devoir de vigilance. Ces entreprises devront intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques et pratiques et adopter un plan de transition climatique pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

☑️ Loi Climat & Résilience : Adoptée en 2021, cette loi fixe des objectifs ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment à travers des obligations pour les entreprises en matière de performance énergétique, de réduction des émissions, et de plans de mobilité. Elle concerne des entreprises aux critères variables selon les secteurs, avec un focus sur les entreprises fortement émettrices de CO2 et celles responsables de la rénovation énergétique des bâtiments.

☑️ Décret Tertiaire (article 175 de la loi Élan) : Depuis 2020, les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² doivent réduire leur consommation énergétique. Ce décret impose une réduction de la consommation énergétique de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040, et 60% d’ici 2050 par rapport à une année de référence.

☑️ Verdissement de la Flotte Automobile : Les entreprises dont la flotte automobile est supérieure à 100 véhicules sont incitées à verdir leur flotte pour réduire leur empreinte carbone. Des aides financières et des incitations fiscales sont disponibles pour encourager l’achat de véhicules électriques et hybrides.

☑️ Tri des 5 Flux : La réglementation impose désormais aux entreprises de trier cinq types de déchets (papier/carton, métal, plastique, verre, bois) pour favoriser le recyclage et réduire l’impact environnemental des déchets. C’est notamment le cas pour les entreprises, commerces, administrations ou sites professionnels de plus de 20 personnes si la majorité de leurs déchets est composée de papiers de bureau (imprimés papiers, publications de presse…), et pour les entreprises dont les déchets sont collectés par un prestataire privé ou si leurs déchets sont collectés par le service public des déchets et supérieurs à 1100litres par semaine.

☑️ Réduction de l’empreinte carbone : Depuis la loi Grenelle II de 2010, les entreprises de plus de 500 salariés ont pour obligation de réaliser un Bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) intégrant des plans de réduction des émissions.

☑️ Lutte contre la corruption : La Lois Sapin II impose aux entreprises de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros de mettre en place de procédures de prévention et de détection de la corruption.

 

 

Alors, pas d’obligation RSE pour les TPE et PME ?

Bien que certaines des obligations ci-dessus peuvent concerner des PME et TPE, elles n’ont globalement pas d’obligation de rendre des comptes sur leurs impacts sociaux et environnementaux comme les grandes entreprises. Rassuré ? Pas si vite !

Obligations RSE indirectes et pressions du marché

On observe de plus en plus des obligations non réglementaires émerger à différents niveaux : marchés publics, donneurs d’ordre, et investisseurs.

Dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres public, il est de plus en plus courant de voir que le cahier des charges exige des critères RSE. Les PME et TPE qui travaillent avec le secteur public auront donc intérêt à anticiper ces critères. D’autant plus qu’ils évoluent constamment et ne répondent à aucune grille pré-établie.

Cela vaut aussi du côté des donneurs d’ordre et des investisseurs. Ces derniers sont de plus en plus attentifs aux données extra-financières des entreprises avant de signer les gros chèques. J’évoquais ce sujet de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) dans un article paru sur Courrier Cadres : “On note que l’exclusion normative [méthode consistant à bannir de ses investissements des entreprises ne respectant pas certaines normes internationales] s’implante peu à peu dans le monde de la finance. Cette pratique amène certains investisseurs à filtrer leurs investissements selon des principes éthiques ou certaines normes. Nous sommes encore frileux par rapport aux pays d’Europe du Nord, qui l’ont bien intégrée, mais cela devrait évoluer compte-tenu de la place de plus en plus importante donnée à la finance responsable”.

Par ailleurs, les sous-traitants ou fournisseurs de grandes entreprises multinationales peuvent indirectement être impactés par le devoir de vigilance, traduit en France dans la loi depuis le 28 mars 2017. En effet, ces multinationales doivent désormais endosser la responsabilité des dommages causés par son activité sur toute la chaîne. Et donc, les dommages éventuellement réalisés par ses sous-traitants.

Les grandes entreprises sont ainsi de plus en plus à l’écoute des risques encourus. Elles peuvent exiger des informations et des engagements de la part de leurs sous-traitants, de leurs fournisseurs ou filiales. C’est souvent le cas par le biais d’une évaluation EcoVadis. Si c’est votre cas, notez que Lost in Transition peut vous accompagner dans votre réponse et votre collecte d’informations.

Les PME et TPE doivent être vigilantes : les attentes des parties-prenantes sont de plus en plus élevées en matière de RSE. Et les exigences peuvent vite évoluer et se généraliser.

Il est également important de noter que la RSE fait aujourd’hui l’objet d’une norme ISO internationale, l’ISO 26000. Attention : celle-ci n’est pas “certifiante” : il s’agit donc de lignes directrices générales définies dans un cadre commun. Elle n’intègre ainsi pas de critères RSE à atteindre. Cette norme constitue une base pour de nombreux référentiels et labels (comme le Label LUCIE), mais elle n’est pas une obligation réglementaire pour les entreprises.

Alors, on ne fait rien ?

Même si la RSE n’est pas une obligation stricte pour les PME et TPE, s’engager dans une démarche RSE présente de nombreux avantages :

 Positionnement Concurrentiel : Se démarquer de la concurrence par des pratiques responsables

 Attractivité et Fidélisation des Talents : Répondre aux attentes croissantes des salariés pour un environnement de travail responsable

 Accès aux Marchés Publics et Privés : Répondre aux critères de plus en plus stricts des appels d’offres et des investisseurs

 Contributions Positives : Apporter une contribution positive aux enjeux environnementaux et sociaux

 Soutenir des initiatives solidaires et favoriser les collaborations avec l’économie sociale et solidaire

 et encore une liste de 12 avantages que j’ai listés ici

 

La RSE, bien qu’elle ne soit pas toujours une obligation légale stricte pour toutes les entreprises, devient de plus en plus incontournable en raison des pressions réglementaires, des attentes des parties prenantes et des opportunités qu’elle offre. Les PME et TPE ont tout intérêt à intégrer les principes de la RSE dans leurs stratégies pour rester compétitives et répondre aux défis contemporains.

Et, en toute franchise, personne n’a encore vu d’entreprise revenir en arrière après avoir mis en place une démarche RSE 😉

Le principal, c’est de se lancer !

Podcast Les Voix de la RSE

🎤 Et si on donnait la parole aux entreprises qui s’engagent au quotidien ?